Bien que la fin de cette crise sanitaire reste encore difficile à entrevoir, il est un point sur lequel peu de personnes doutent : il y aura un avant et un après en matière d’organisation du travail. Le rôle du management de proximité est fréquemment souligné. Garant du lien malgré la distance, responsable du respect des consignes sanitaires, radar des signaux d’alerte en matière de RPS… le manager est partout. A tel point que certains commencent à, eux-mêmes, tirer la sonnette d’alarme.
Un management de proximité particulièrement exposé aux risques
A la fois porte-parole de la stratégie d’entreprise, oreille attentive et leader auprès de son équipe, le manager est, de par son rôle, tantôt représentant de la direction, tantôt défenseur du salarié. Un rôle complexe, soumis à de multiples attentes, souvent contradictoires, auxquelles s’ajoutent les exigences personnelles propres à chaque individu. Des attentes qui ont eu tendance à se renforcer et à se multiplier depuis le début de la crise sanitaire. A la nécessité d’adapter totalement ses pratiques de management à la distance se sont ajoutés, pour certains, un renforcement des exigences de reporting, mais aussi la nécessité de soutenir émotionnellement des salariés fragilisés par l’isolement et le manque de perspectives.
En conséquence ? Des managers épuisés ! Ainsi, comme le rapporte Merete Wedell-Wedellsborg, psychologue et directrice d’un cabinet de coaching pour dirigeants, pour la Harvard Business Review, le plus grand défi pour les managers « sera sans doute de rester motivés et de garder leurs équipes dans le même état d’esprit. Nous ignorons combien de temps cette phase va encore durer et nous ne pouvons plus compter sur le sentiment d’urgence sanitaire. Face à de belles paroles telles que « Restons soudés » ou « On va s’en sortir », notre patience a atteint ses limites. » Dans un contexte où la peur laisse petit à petit place au désespoir, il s’agit donc de trouver de nouvelles forces et de nouvelles sources de motivation.
De la fatigue pandémique à l’endurance psychologique
C’est la nouvelle expression à la mode : la fatigue pandémique. Ce syndrome qui se caractérise par une grande fatigue mentale, un sentiment de démotivation, une difficulté à se projeter dans l’avenir et à trouver du sens. S’il est encore impossible d’envisager l’étendue de ce syndrome, force est de constater que sa présence est d’ores et déjà visible dans de nombreuses entreprises. Salariés démotivés, perte de sens, difficultés à se concentrer… ces manifestations révélatrices envahissent les espaces de télétravail. Face à ces constats, les managers, aussi fatigués que leur équipe, se sentent bien souvent impuissants.
Devant la morosité ambiante, une nouvelle forme de résilience doit être mise en place par les managers : l’endurance psychologique. Selon Merete Wedell-Wedellsborg, développer cette forme de résilience requiert avant tout « une approche différente dans la façon de motiver les membres de son équipe et ses collègues », qui passe par l’identification des défis majeurs qui s’annoncent dans les années à venir. L’enjeu est de retrouver un certain sentiment de maîtrise sur la situation, de se forcer à entrevoir la fin de cette crise, pour retrouver en énergie et être en capacité d’agir en anticipant au maximum l’avenir. Un état d’esprit optimiste (« Cela va finir par s’arrêter et par être sous contrôle ») qui s’acquiert en partie avec le soutien actif de la direction et (si besoin) d’un professionnel de santé.
Préserver sa santé et accepter sa vulnérabilité
Car l’enjeu pour le management est également d’accepter une certaine forme de fragilité et de se préserver. Rarement on commencera une course de fond par un sprint, au risque de s’épuiser. Or, ce qui vaut pour l’endurance physique vaut également pour l’endurance psychologique. Si la représentation du leader exige encore une certaine capacité à dissimuler son stress et à impulser une motivation parfois feinte, il est essentiel pour chaque manager de se réserver des moments de calme et d’introspection.
Croire en notre capacité à surmonter des obstacles et à être performants tout en acceptant sa vulnérabilité est un exercice subtil et, pour la plupart d’entre nous, le défi de toute une vie. Cependant, c’est en retrouvant cette forme d’honnêteté qui nous permet de reconnaître nos qualités comme nos défauts, et d’envisager nos possibilités d’aller de l’avant, que nous trouverons la force de franchir la dernière ligne droite.
Le chantier est d’ampleur : accepter de ne pas être parfait dans une période où toutes les pratiques managériales sont bouleversées, comprendre que fragilité ne veut pas dire faiblesse, accepter de demander de l’aide lorsqu’on en ressent le besoin et surtout, reconnaître ses limites, telles sont les clés du leadership de 2021 !
Références :
Wedell-Wedellsborg, M. (2021). Comment diriger quand votre équipe est fatiguée … et vous aussi. Harvard Business Review.
Roparz, M. (2020). Coronavirus : la « fatigue pandémique » inquiète les spécialistes de la santé mentale. Dossier Coronavirus Covid-19, France Bleu.
Kaddour, J. (2003). L’endurance psychologique (Hardiness): Aspects définitoires, nomologiques et critiques [Psychological endurance (Hardiness): Definitional, nomological, and critical aspects]. European Review of Applied Psychology / Revue Européenne de Psychologie Appliquée, 53(3-4), 227–237.
AUTEUR : Nolwenn Anier
Docteure en psychologie – Consultante R&D