La transformation de notre entreprise va bouleverser profondément les missions, les activités et les postures des cadres managériaux, souvent présentés comme les acteurs incontournables de la déclinaison de la stratégie de l’entreprise.
Pour en comprendre les raisons il faut tout d’abord se reporter au livre blanc d’Orange sur « Quel rôle pour la fonction RH en 2020-2025 » dans lequel y est décrite la vision de l’organisation du travail afin de tenir compte du changement de nombreux paramètres de l’environnement :
– une pyramide des âges qui va basculer en 2020 suite aux nombreux départs et qui va réduire de fait les besoins en management de proximité
– un collectif de travail composé de groupes multi-générationnels aux attentes soi-disant différentes et qui implique une approche « client » des collaborateurs,
– de nouveaux modes de travail basés non plus sur le travail prescrit mais l’intelligence décentralisée et collective visant un fonctionnement dynamique et agile de l’entreprise.
– une approche des résultats non plus basée sur la performance de l’organisation par ses processus et sa structure mais sur les compétences et l’adaptabilité de ses collaborateurs à remplir des missions.
D’autres considérations, non avouées, mais pourtant bien réelles sont aussi à prendre en considération :
– la transformation numérique de l’entreprise va rendre caduques certaines missions et activités actuelles des cadres managériaux telles que nous les connaissons (reporting d’activité, consolidation des résultats,…)
– un terreau indispensable au concept de l’entreprise libérée qui doit réduire à terme de nombreux postes managériaux et qui nécessite une période transitoire pour accompagner des changements inéluctables de parcours professionnels.
Ainsi du rôle d’encadrant devant s’assurer de la bonne exécution opérationnelle de la stratégie et de l’évaluation de la performance de ses collaborateurs, la position du manager va devoir évoluer vers un rôle composite de responsable RH et de chef de projet (de missions). En effet, au plus près des équipes et de la production celui-ci aura pour mission l’animation et le soutien opérationnel de ces équipes à faire face à des problématiques métiers, mais aussi de compétences et de savoir-faire de ces équipes qu’il devra gérer.
Il s’agit ainsi d’une approche managériale foncièrement nouvelle bien loin des compétences et expériences acquises dans un système hiérarchique traditionnel, qui va bouleverser les relations interpersonnelles entre les salariés et plus particulièrement entre managés et managers. La règle de la subordination devrait ainsi disparaître au profit de la légitimité et de la reconnaissance de valeurs intrinsèques du manager qui permettront au collectif d’exister et d’avancer.
Sa responsabilité va aussi évoluer puisqu’il devra être le garant de la cohésion et des résultats du collectif de son périmètre.
Cela va donc consister par un changement de paradigme dans son rôle au sein de l’entreprise.
Là où il avait un rôle descendant (top/down) dans l’application des règles de fonctionnement et des processus, il devra, pour répondre aux besoins de son équipe pour une autonomie et performance locales, devenir un contributeur actif de leurs définitions et de leurs mises en œuvre vis-à-vis de l’organisation globale de l’entreprise (bottom/up), sous peine de voir sa légitimité ne pas être reconnue.
Les objectifs sont fixés, les moyens restent à définir !
Si ces nouvelles missions et activités des managers sont bien reprises dans le nouveau référentiel, les prérogatives et les moyens dont ils disposeront, ne sont pas définis. Les risques d’injonction paradoxale en sont d’autant plus forts que le rôle de « garant des règles et du cadre de l’environnement de travail » de l’équipe (droit du travail, dialogue social, compliance, éthique, RSE…) va aussi lui incomber.
– Comment fera-t-il pour s’assurer d’un équilibre entre les ressources et activités, si il n’a pas la capacité à revendiquer et disposer de moyens autonomes (effectifs, outils, formations, budgets) en adéquation avec les objectifs qui lui sont fixés ?
– Quelles seront ses marges de manœuvre pour concilier performance de son équipe et respect des droits de ses collaborateurs (charge et conditions de travail, QVT, reconnaissance et évolutions professionnelles) dont il sera pleinement responsable ?
Dans un contexte d’élargissement de ses responsabilités, de ses délégations, de ses missions et activités, sa propre charge de travail et sa charge mentale ne sont pas non plus abordées.
– Est-ce que le périmètre des équipes sera revu à la baisse afin de tenir compte des nouvelles activités et missions qui leur sont demandées ?
– Comment, en cas d’échec, sera-t-il tenu responsable et/ou évalué en regard de la prise de risque et de la reconnaissance du droit à l’erreur de son équipe, de ses collaborateurs qui lui est demandé pour encourager, expérimenter et déployer de nouvelles voies & façon de faire ?
– Comment sera-t-il accompagné par l’entreprise dans leur formation aux risques juridiques et le cas échéant dans la mise en cause de leur responsabilité ?
Beaucoup de questions ne sont pas abordées et nombre de réponses restent en suspens alors qu’elles sont indispensables aux succès de cette transformation managériale, présentée comme un enjeu stratégique de la transformation de l’entreprise.